Coronavirus: l’amère pilule dont nous avions besoin?
OPINION: DAAN DE WEVER, CEO DE DSTNY
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A l’heure actuelle, le coronavirus provoque essentiellement des réactions négatives, depuis le désarroi jusqu’à l’inquiétude, que ce soit pour nous-mêmes ou pour nos proches, en passant par la peur. Mais lorsque la déferlante du coronavirus se sera calmée et que nous aurons assimilé toutes ses conséquences immédiates, nous serons éventuellement heureux d’avoir dû avaler cette désagréable pilule. Pour notre propre santé, pour celle de nos entreprises, mais également pour notre planète dont nous n’avons très certainement pas suffisamment pris soin au cours des décennies écoulées. Le coronavirus serait-il l’ultime cri de détresse de la nature? Et l’entendrons-nous?
Avant toute chose, j’aimerais émettre un avertissement. Quiconque me connaît un tant soit peu sait qu’en tant que patron de Dstny, société de communications cloud, je ne cesse de faire la promotion des avantages de la connectivité et d’une infrastructure robuste apte à assurer des communications efficaces. Mais vous savez également que je crois pleinement dans le rôle sociétal que nous jouons et que chaque société, dans le monde, devrait assumer. Nous le devons à nous-mêmes, à nos collaborateurs, à nos enfants et à notre planète afin de communiquer mieux et de manière plus efficace: sans devoir se déplacer quand c’est possible, en nous déplaçant lorsqu’il le faut.
Coronavirus: l’amère pilule dont nous avions besoin?
Voici déjà de nombreuses années que nous encourageons les entreprises à rechercher un équilibre entre télétravail et travail au bureau, entre déplacements au sein ou en dehors de nos frontières, entre rencontres en présentiel et réunions virtuelles. Dans un premier temps, les entreprises n’ont que mollement réagi à la possibilité de permettre à leurs collaborateurs de travailler plus souvent à partir de chez eux. Les objections sont bien connues: une baisse de la productivité, des communications et une collaboration plus difficiles, un sentiment réduit de collégialité. Elles appréhendaient également les conséquences d’un tel choix: les coûts d’une infrastructure performante, l’élaboration d’une politique d’entreprise pertinente et juridiquement cohérente… Des obstacles amplement suffisants aux yeux de nombreuses entreprises pour refuser de s’engager dans cette voie.
Toutefois, dans le même temps, le contexte social a tellement évolué que le concert des voix qui en appellent à davantage de mobilité et d’activités économiques plus pertinentes enfle sans cesse. Notre société et l’économie pâtissent grandement des embouteillages qui nous coûtent chaque année des milliards en termes de perte de productivité. Chaque année, la nature doit par ailleurs ingurgiter davantage de gaz d’échappement, en dépit de tous les efforts visant à réduire les émissions de CO2.
Quid des employés eux-mêmes? Selon un rapport du SPF Mobilité belge, seulement 22% des Belges sont autorisés par leur organisation à travailler régulièrement à distance. 92% de ces télétravailleurs désirent continuer à pratiquer le télétravail, généralement en raison des gains de temps et de la diminution du stress et de la fatigue que permet le fait de ne pas devoir effectuer le trajet domicile-lieu de travail. Ceux qui ne télétravaillent pas estiment souvent qu’il est plus difficile de tracer la frontière entre travail et vie privée et que le contact social avec les collègues risque de se distendre. Par contre, quiconque pratique fréquemment le télétravail constate que les choses se passent plutôt bien.
Autrement dit, l’intérêt et l’envie sont grands, chez la plupart des employés, de pouvoir travailler à domicile. D’autres études indiquent que la productivité des entreprises, elle aussi, pourrait augmenter. Par ailleurs, un nombre croissant de candidats posent comme condition de pouvoir travailler en mode flexible pour accepter le poste proposé. En dépit de cela, de nombreuses entreprises s’en tiennent au mode de travail de bureau classique, si possible de 9 à 5. Soupir…
Le catalyseur du coronavirus
Et soudain surgit cette pilule amère, sous la forme d’une pandémie de coronavirus. En mode mineur dans un premier temps avant de donner toute la mesure de son agressivité dès la semaine dernière. Soudain, (quasi) toutes les entreprises permettent à leurs employés de travailler chez eux, certaines avec une évidente réticence, d’autres sans la moindre réserve. On entend par ailleurs la réflexion suivante dans la bouche de la plupart des chefs d’entreprise: « nous verrons comment les choses se déroulent et nous en tirerons les conclusions nécessaires. » Dès lundi matin, on pouvait en tout cas en tirer la première conclusion: il y avait belle lurette que l’on avait rencontré aussi peu d’embouteillages sur nos autoroutes. La nature pouvait déjà respirer plus librement.
Ma conviction? Plus la quarantaine relative se poursuivra, plus les organisations seront nombreuses à se mettre totalement au régime télétravail, tant en termes techniques qu’administratifs et organisationnels. Au fil du temps, les entreprises prendront pleinement conscience que les Nouveaux Modes de Travail (travail à domicile, mais aussi environnement de travail flexible, réunions virtuelles tant avec des collègues qu’avec les partenaires et les clients) présentent des avantages particulièrement nombreux, assortis de collaborateurs satisfaits et plus productifs, d’une réduction des coûts côté parc automobile mais aussi côté infrastructure immobilière, de déplacements moins nombreux en Belgique et à l’étranger…
Remettre chaque déplacement en question
Mon plus grand espoir est que nous puissions atteindre un tournant, en arrivant à remettre le moindre déplacement en question. Devons-nous réellement tous nous rendre à Bruxelles pour cette réunion hebdomadaire de l’équipe marketing alors que nous disposons des outils adéquats pour organiser la réunion en-ligne? Mais aussi devons-nous vraiment nous rendre chez tel ou tel client pour lui servir notre argumentaire commercial alors qu’un chat vidéo aurait été tout aussi rapide et efficace? Je sais, c’est là un blasphème commercial. Un client, cela se visite, sinon on lui manque de respect. Mais pourquoi un chat vidéo serait-il moins respectueux qu’une conversation à deux mètres de distance? J’ai déjà eu cette discussion avec plusieurs clients et il est très difficile de les amener à ce genre de changement de mentalité. Aujourd’hui toutefois, en pleine crise du coronavirus, les points de vue commencent à changer.
Nous ne plaidons évidemment pas en faveur d’un passage intégral au travail à domicile ou de ne plus procéder qu’à des réunions en-ligne. Le télétravail et le travail flexible ont leurs limites. On n’apprend réellement à connaître ses collègues que lorsqu’on se retrouve autour d’une table à midi ou à l’occasion d’une petite sortie en groupe. Les jeunes recrues se forment aux pratiques en observant leurs aînés. Les aspirants dirigeants peuvent difficilement tester leurs « compétences en leadership » à distance. Et certains métiers, essentiellement dans le secteur des services et de la grande distribution, se prêtent difficilement à la virtualisation.
Il nous faudra dès lors rechercher en permanence le juste équilibre entre présence physique et collaboration à distance. Les directions ont dès lors un rôle important à jouer. Il leur faudra combiner un leadership fort avec des communications ouvertes et transparentes, de telle sorte que chaque collaborateur sache ce qui est possible et autorisé, et pourquoi, et se sente néanmoins « en capacité » de déterminer par lui-même comment travailler au mieux avec la liberté qui lui est accordée. Les dirigeants eux-mêmes devront par ailleurs donner le bon exemple plutôt que tout contrôler jusque dans le moindre détail.
Une révolution copernicienne de nos habitudes de travail
Compte tenu de la situation que nous vivons aujourd’hui, il se peut fort bien que nous nous dirigions vers une révolution copernicienne. A savoir que la nouvelle norme devienne plus souvent le travail flexible et les réunions virtuelles. A terme, cela pourrait déboucher sur une circulation plus fluide, des collaborateurs davantage satisfaits, de meilleurs résultats opérationnels et un monde dont nous prenons davantage soin.
Dans ce cas, l’amère pilule que nous devons aujourd’hui avaler aura, en dépit de tout, généré suffisamment de vitamines pour nous rendre, nous et notre environnement, plus sains que jamais auparavant. Mais pour l’instant, il nous faut encore nous accrocher!